Les animaux montent à Paris

14/12/2020

Bêtes de scène à l’espace Monte Cristo de la Fondation Villa Datris

Attention : voici un texte paru dans Point contemporain pour une exposition qui devait rouvrir ses portes suite au deuxième confinement

Du 15 au 20 décembre 2020, l’exposition Bêtes de scène rouvre ses portes pour son deuxième volet parisien dans les locaux de l’espace Monte Cristo. Pour tous ceux qui ne pourraient s’y rendre, la Fondation Villa Datris a eu la formidable idée de mettre en ligne de courtes vidéos de présentation des œuvres par les artistes-mêmes, merci pour cette initiative de médiation ouverte.  

 Dans Bêtes de scène, se déploie une palette de regards de sculpteurs contemporains sur la figure animale, si tant est que cela existe. L’occasion pour nous de découvrir ce que l’art d’aujourd’hui retient et modèle de l’animal mais aussi d’imaginer l’animal comme mesure de l’homme. Une colonisation joyeuse s’empare de l’espace Monte Cristo. Nul rugissement certes, mais la louve s’est parée de ses plus belles légendes grâce à Katia Bourdarel. Avec de nouveaux atours à Paris, Bêtes de scène a laissé la statuaire qu’elle présentait dans son espace à l’Isle sur la Sorgue.  Les nouveaux archétypes formels de la fourmi, de la poule de l’ours et du cerf ont laissé place à des installations jouant avec la maîtrise et la surdétermination d’objets de taxidermie.

 Ainsi Laurent Perbos, à qui est offert une carte blanche pour cette exposition, propose une volière d’oiseaux hybrides, petits êtres statiques hautement réalistes qui s’approprient les espaces et les formes humaines.

La plumassière Kate Mcc Qwire offre quant à elle, une sculpture impressionnante entrée dans les collections de la Fondation. Paradox II, est une quintessence technique au service d’une étrangeté presque mouvante, vivante, et c’est tout l’élan, la vibration animale sans tête ni queue que nous approchons.

Laurent Perbos, Geronimo IV, 2020 Le Duc, 2018 Incognito II, 2019-Courtesy Galerie Baudoin Le bon-Photo Bertrand Hugues
Kate MccGWIRE, Paradox, 2019, Collection Fondation Villa Datris, Photo JP Bland-détail

Céline Cléron, travaille avec les formes animales depuis de nombreuses années par le biais de la taxidermie ou de la collaboration avec des animaux vivants. L’animal est son artiste comparse. Dans Conseil de révision, nous voici partis « revoir l’histoire du vivant » par la prise en considération du corps du spectateur-même, il s’agit pour l’artiste de replacer « l’animal métaphoriquement, chronologiquement et symboliquement au-dessus de nous ». Nous sommes, dans le jeu artistique, « toisés » par  le crâne du pélican, du sanglier et de l’antilope. La grande clarté formelle de cette artiste nous replace directement dans un rapport non dualiste avec différentes espèces.

De son côté, Samuel Rousseau a depuis plusieurs années fait de la projection vidéo un art matériel. L’artiste ré-anime, ré-active les dessins rupestres grâce à une technologique toute contemporaine. Rousseau redonne le mouvement animal au signe de celui-ci, l’animal se réapproprie sa propre représentation, l’auroch continue de marcher sur les drailles des parois où il fut peint.

Bêtes de scène fait entrer dans notre espace mental et sensible une réflexion sur l’animalité, l’humaine aussi. Auprès des œuvres ludiques et puissantes de Mcc Qwire, Cléron et Rousseau, l’espoir est nôtre d’aborder les espèces animales non-humaines avec la politesse et la cordialité d’une rencontre, et d’écrire avec elles une histoire partagée.