À la recherche du soi

04/08/2020

l’astrophile série – Laurent Millet

J’ai cherché le Dasein
et j’ai trouvé le conatus
alors je me suis interrogée
sur mon propre champ de forces

Qu’est-ce qui me met en actes
suis-je une somme de perceptions
émises et reçues

Mon être est-il
visqueux qu’il déborde
mes traits?

Quel genre d’Umwelt me caractérise
ai-je réussi à ce que
mes expériences de vie l’aient
quelque peu contaminé

J’aime à croire que
ma géographie évolue
au fil des poursuites
de mon imaginaire

Il paraît que
la présence humaine
a besoin d’une ombre

Y-a-t-il quelque strate à dénicher dans le mille feuille qui jalonne l’en-deçà de ma peau?
Est-ce que d’autres entités portent avec moi cette essence que je cherche ou n’y-a-t-il rien à chercher, rien à porter?

La silhouette avance ou s’efface, on ne saurait trop dire, vers le plan du papier photo. Elle est confinée dans une boite respirante. Cette boite n’est pas dépourvue d’objets de calibrage, et ce plan a un grain certain, une texture qui conditionne l’arrivée de la silhouette qui tente de se circonscrire ou d’expirer sa présence.

Ainsi je vous présente le travail de Laurent Millet sur papier salé, tirage aux encres grasses et tirage numérique. Sa figure oscille, son corps n’est qu’ombre. Et des mesures nettes et fixes viennent jouer avec cette micro-présence. Pour une fois, ce sont elles qui créent une envolée et il revient au flou de donner l’assise.

J’aime à croire que cet artiste a des préoccupations similaires aux miennes, qu’il se demande que faire de tout ce fatras qui au fil des siècles a construit les lettres de noblesse de l’existence humaine et de ce qu’elle pense d’elle-même.

Y-a-t-il seulement quelque chose à chercher, la question mérite d’être posée car comme nous le rappelle Varela, Thompson et Rosch dans L’inscription corporelle de l’esprit, «  la philosophie occidentale s’est essentiellement préoccupée de savoir où trouver un fondement ultime, et non de mettre en question ou en lumière cette tendance même à s’accrocher à un fondement ». Alors sans fondement, pourrais-je pénétrer extatiquement le monde sans me soucier de qui fait de lui le monde et de ce qui fait de moi un soi. Et je trainerai partout ma structure, sans dehors ni dedans, elle redéfinirait elle-même sans cesse ses limites, elle n’aurait jamais de centre, de chef, d’instance, de recoin plus dévoué qu’un autre, à la pensée.

Varela F., Thompson E., Rosch E., L’inscription corporelle de l’esprit Sciences cognitives et expérience humaine, Seuil, 1993

expression empruntée à Buytendijk, Frederik J.J., Traité de psychologie animale, traduction A. Frank-Duquesne, PUF, 1952