Olympe et callipyge
06/10/2021
Un vestige
Nous sommes face à son dos. Debout, elle semble s’élancer. La colonne pousse tout le corps en avant, et les fesses, en retrait, en dégorgement amplifié, suivent et s’élancent, elles aussi. Le creux de sa colonne vertébrale rebondit de part en part en des plis successifs. Voici les signifiants d’une femme, d’une femme callipyge. Seules ses fesses sont présentes en leur anatomie complète, nulle tête, nulles jambes, bras, pieds, mollets, chevilles, mains, épaules, nulles côtes complètes, pas de ventre, de poitrine, de clavicule, de cou. Que dire d’un visage. Aucun poil n’est singé, rien que les plis et les expires d’une peau.
De profil, c’est une ligne serpentine qui découpe longitudinalement l’arrière d’un corps. Du milieu de la cuisse au démembrement épars de ce qui devraient être ses épaules, voici une bribe de femme, le développement corporel tronqué d’une figure. Seul l’arrière de son tronc existe, le reste n’est qu’air ou imagination. Sa silhouette, si elle n’était pas ciselée, rendrait visible l’avancée de sa poitrine.
Le métal, feuille martelée dans l’espace, est une ligne de cimes prise en vue verticale. Moulées de cuivre, les formes arrière du corps callipyge et leur éclatement dans l’air poussent cette silhouette vers un dépassement des durées. Elles nous projettent dans une forme singulière de vestige, de hiatus dans les âges de l’histoire de l’art. Georges-Emmanuel Arnaud est l’auteur de ce vestige. Un vestige qui n’a pas connu l’enfouissement de la boue, de la terre ou de la mer, mais celui simple des yeux fermés. Il offre à ce dos de femme une patine et une découpe qui nous parle de déité. Une déité qu’il crée aujourd’hui, à partir d’un corps réel dont les images sont composées en une réalité virtuelle. Puis ce dos retrouve le chemin d’un classicisme antique, d’un moulage de métal précieux posé sur socle.
Un nu
Des courbes se démembrent, sans se refermer les unes sur les autres. Des cassures, et des usures que le temps offre de coutume aux sculptures des artistes classiques, voici ce que dicte cet éclatement formel.
Alors de bronze, alors défait, ce portrait de dos serait-il devenu un nu ? Le moule d’une chair de femme aurait-il sa place aux côtés des dieux incarnés ?
Elle n’est pas encore tout à fait une essence, elle est en train de le devenir, n’avance-t-elle pas fièrement vers l’éther ? Des nus tombent de l’Olympe, codent les idées, les élans méditerranéens. Ils calibrent la géographie de l’au-delà par leurs formes, courbes, attributs. Une femme callipyge est remontée auprès d’eux. Le dos d’une femme. Son épiderme. Ses fesses et son derme, voici ce que ce nu garde de corporel.